Nous
reprenons ci-après un entretien avec Dominique Bussereau par Michel Revol,
publié sur le site internet du Point (https://www.lepoint.fr/) le 30 mars dernier.
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accéder directement à l’article sur le site du Point, cliquer ICI
« Le
président ex-LR de Charente-Maritime et de l'Assemblée des départements
s'oppose à la prolifération d'éoliennes, notamment dans son département.
Entretien.
Par Michel Revol
D'abord,
il prévient : il n'est pas opposé à l'énergie éolienne. Mais, en quelque
sorte, trop, c'est trop. C'est le sens de la décision de Dominique Bussereau, qui vient de faire voter dans
son département, la Charente-Maritime, un moratoire sur tout nouveau projet
d'implantation d'éoliennes. Le président du conseil départemental de la
Charente-Maritime, par ailleurs président de l'Assemblée des départements
de France (ADF),
a pris la mouche parce qu'il ne supporte pas que l'estuaire de la Gironde
puisse être piqueté d'une quarantaine éoliennes. Un projet porté par EDF entend
en effet implanter un vaste parc de mâts de presque 200 mètres de
hauteur en face des vignobles du Médoc. Ils s'ajouteraient
aux 70 à 80 éoliennes déjà installées dans le département,
et à celles en projet (entre 300 et 475 !)
Dans le coin, l'idée hérisse tellement que des acteurs aussi
contraires que la Ligue de protection des oiseaux (LPO) et les fédérations
locales de chasseurs se sont ligués pour s'y opposer. Dans l'association
Défense des marais de l'estuaire (DDME), créée pour combattre ce projet, on
retrouve, outre la LPO et les chasseurs, le Comité international des vins de
Bordeaux ou le Conseil des grands crus classés. Tous veulent préserver
l'estuaire de la Gironde, havre pour les oiseaux migrateurs et les touristes,
entre autres. Le 23 mars, ils ont remporté une première victoire avec
le moratoire voté par le département de la Charente-Maritime. À l'origine de
cette décision, Dominique Bussereau s'en explique.
Le Point : Le mouvement en faveur des énergies renouvelables semble
inéluctable pour trouver une issue aux énergies carbonées, et pourtant vous
tentez de suspendre un grand projet d'éoliennes dans votre département. Vous ne
craignez pas d'aller contre l'histoire ?
Dominique Bussereau : On l'a vu dans le grand débat
national, le nombre de gens qui se sentent envahis par l'afflux d'éoliennes
monte en puissance. C'est le cas en Charente-Maritime, et dans les départements
voisins. Je vous signale que l'on comptabilise quelque 480 mâts si on
additionne tous les projets ! Dans certaines zones comme la plaine d'Aunis, les
villages sont parfois entourés d'une vingtaine de mâts. Je rappelle que la
Charente-Maritime est le deuxième département le plus touristique de France
après le Var, et que le projet en cause concerne l'estuaire de la Gironde, le
plus grand d'Europe. Il y a une vingtaine d'années, nous
avions mis en place un syndicat mixte entre la Charente-Maritime et la Gironde
pour protéger ces zones naturelles sensibles. Or, aujourd'hui, voici qu'EDF veut
installer une quarantaine d'éoliennes de 180 mètres de hauteur. Cette
initiative a fait déborder le vase !
Comment voulez-vous vous y opposer ?
Ceci n'est pas seulement de votre ressort...
D'abord,
à l'automne, nous avons mis en place un
observatoire, afin de visualiser les zones couvertes, ou non, par les parcs
éoliens. On se rend compte que des endroits dans le sud de la région Aquitaine
en sont dépourvus, alors que d'autres, comme la Charente-Maritime ou la
Charente, sont déjà bien couverts. J'ai ensuite fait voter un moratoire, par lequel on demande à l'État de geler pendant deux
ans tout nouveau projet de parc éolien. Nous établissons en parallèle un schéma
directeur pour définir un mix
énergétique différent. Le préfet m'a répondu qu'il n'avait pas le pouvoir
d'arrêter un projet, mais il a engagé la discussion. Je lui ai dit que s'il
prenait malgré tout un arrêté autorisant ce projet dans l'estuaire, je
l'attaquerais devant la justice administrative.
Pour quels motifs ?
Pour un
motif tenant à l'atteinte au paysage ou à l'environnement, par exemple. J'ai
procédé de la même manière pour plusieurs projets dans la région de La
Rochelle, mais je n'ai pas eu, pour l'heure, de réponse du préfet. Je précise
que la Charente va sans doute décider du même type de moratoire, et j'informerai
mes collègues de l'Assemblée des départements de France de notre action. Elle
risque de faire boule de neige.
Vous voulez stopper l'éolien en
France ?
Ce n'est
pas une opposition à l'éolien, c'est une
opposition à trop d'éolien. Certains pays font déjà machine arrière. C'est
le cas de l'Allemagne, qui a arrêté des éoliennes et les
démonte. Autant je suis pour l'éolien s'il n'y a pas de difficultés paysagères,
par exemple dans des champs plats et déserts comme dans les plaines de
Beauce, ou en mer, loin des côtes,
autant je veux me battre lorsque les villages sont susceptibles d'être entourés
d'un mur d'éoliennes. Là, c'est non ! Notre seul objectif, c'est la
défense de nos paysages. Dans notre région comme ailleurs, si on les bousille,
on bousille notre économie. »
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