Michael Shellenberger, activiste de renommée
internationale dans la lutte contre le changement climatique, a publié le 27
février dernier dans la revue Quillette (lien en bas de page pour nos amis anglophones) un article sur sa propre expérience
dans le domaine des énergies renouvelables, notamment l’éolien et le
photovoltaïque. Cet article a été traduit et est paru dans Le Point le 9 mars
dernier.
Michael Schellenberger a été nommé « Héros de
l'environnement » par Time Magazine, et
préside l'association Environmental Progress, un laboratoire
d'idées indépendant.
Nous reprenons ci-après le début de cet article :
« Quand j'étais petit, mes parents m'emmenaient
souvent avec ma sœur faire du camping dans le désert. Pour beaucoup de gens,
les déserts sont des endroits vides, mais mes parents nous ont appris à
détecter la faune environnante – les aigles, les faucons, les tortues. Après
l'université, je me suis installé en Californie pour travailler sur des
campagnes de défense de l'environnement. J'ai contribué à sauver la dernière
forêt de séquoias de l'État et j'ai bloqué un projet de stockage de déchets
radioactifs dans le désert.
En 2002, peu après mes 30 ans, j'ai décidé
de me consacrer à la lutte contre le changement climatique. Je craignais que le
réchauffement climatique n'en vienne à détruire tout le travail de préservation
de l'environnement que des gens comme moi avaient effectué. Pour moi, les
solutions étaient assez simples : des panneaux solaires sur chaque toit,
des voitures électriques devant chaque maison, etc. Les principaux obstacles,
pensais-je, étaient de nature politique. Raison pour laquelle j'ai œuvré à former une
coalition entre les plus grands syndicats et associations écologistes
américains. Nous envisagions un investissement de 300 milliards de
dollars dans les énergies renouvelables. Ainsi, nous allions non seulement
ralentir le changement climatique, mais aussi créer des millions de nouveaux
emplois dans un secteur high-tech en pleine croissance.
Quand le
soleil se couche et que le vent tombe
Nos efforts portèrent leurs fruits en 2007, quand le
candidat à la présidence américaine, Barack
Obama, se déclara favorable à notre projet. Entre 2009 et
2015, les États-Unis ont
investi 150 milliards de dollars dans les énergies renouvelables et
d'autres formes de technologies propres. Et c'est là que les problèmes ont
commencé. Le premier concernait l'utilisation des terres. L'électricité des
toits solaires coûte environ deux fois plus cher que celle des parcs solaires,
mais les parcs solaires et éoliens nécessitent d'énormes superficies. En outre,
les parcs solaires et éoliens exigent l'installation de nouveaux pylônes
électriques, auxquels s'opposent les riverains et les défenseurs de
l'environnement protégeant la faune, et en particulier les oiseaux.
La nature intermittente des énergies solaire et
éolienne pose un autre défi. Lorsque le soleil cesse de briller et le vent de
souffler, vous devez rapidement être en mesure d'exploiter une autre source
d'énergie. Heureusement, beaucoup de gens réfléchissaient à des solutions.
L'une d'entre elles consistait à convertir les barrages californiens en énormes
batteries. La logique était la suivante : lorsque le soleil brillait et
que le vent soufflait, on pouvait pomper de l'eau en amont, la stocker pour
plus tard, puis la faire passer par des turbines pour produire de l'électricité
quand il y en avait besoin. D'autres problèmes, en y réfléchissant bien, ne me paraissaient
finalement pas si énormes. Par exemple, après avoir appris que les chats
domestiques tuaient des milliards d'oiseaux chaque
année, le petit million d'oiseaux tués
par les éoliennes semblait bien relatif.
Pas de
« révolution des batteries »
J'avais donc l'impression que la plupart, et peut-être
même la totalité, des problèmes de rentabilité des énergies solaire et éolienne
étaient susceptibles d'être résolus par les progrès technologiques. Sauf qu'au
fil des ans, les problèmes allaient persister et même, dans certains cas,
empirer. Par exemple, si la Californie est un phénix des énergies
renouvelables, nous n'avons pas converti nos barrages en batteries, notamment
pour des raisons géographiques. Tous les barrages et réservoirs ne sont pas
adaptés et leurs rénovations sont des opérations coûteuses.
Un autre et plus gros problème, c'est que l'eau qui
s'accumule derrière les barrages a d'autres usages, à savoir
l'irrigation et l'approvisionnement domestique. Et parce que l'eau de nos
rivières et de nos réservoirs est rare et peu fiable, l'eau des barrages est
ici d'autant plus précieuse. Sans moyens de stockage à grande échelle de
l'énergie solaire, la Californie a dû se mettre à bloquer l'électricité produite par les
centrales solaires les jours de grand ensoleillement ou payer ses États voisins pour qu'elle la
récupère et éviter que notre réseau n'implose.
L'éolienne,
un super-prédateur
Et oubliez les fanfaronnades médiatiques, il n'y a pas
de « révolution des batteries »
à l'horizon, et ce, pour des raisons économiques et techniques très bien
comprises. Quant aux chats domestiques, ils ne tuent pas de gros oiseaux rares
et menacés. Ce que les chats tuent, ce sont de petits volatiles communs – les
moineaux, merles et geais. Ce qui tue les grands oiseaux
menacés et en voie de disparition – des espèces qui pourraient s'éteindre,
comme les faucons, aigles, hiboux et condors –, ce sont les éoliennes.
En réalité, les éoliennes constituent la menace la
plus sérieuse pour les espèces d'oiseaux d'importance à émerger depuis des
décennies. Ces turbines à rotation rapide sont comme un super-prédateur contre
lequel les grands oiseaux n'ont pas eu le temps de s'adapter. Les parcs
solaires ont des impacts écologiques similaires. Construire une ferme solaire,
c'est un peu comme construire n'importe quel autre type de ferme. Vous devez
vider toute la zone concernée de sa faune.
Afin de construire l'un des plus grands parcs solaires
de Californie, les développeurs allaient engager des biologistes pour extraire de leurs terriers les
tortues du désert menacées, les placer à l'arrière de
camionnettes, les transporter et les enfermer dans des enclos où beaucoup ont
fini par mourir. Alors que ces impacts devenaient de plus en plus manifestes,
je me suis rendu compte qu'aucun progrès technologique ne pouvait résoudre le
problème fondamental des énergies renouvelables.
Un problème
naturel, plus que technique
Si vous pouvez trouver un moyen de fabriquer des
panneaux solaires moins chers et des éoliennes plus grandes, jamais vous ne
pourrez faire en sorte que le soleil brille plus régulièrement ou que le vent
souffle de manière plus fiable. J'ai fini par comprendre les implications
environnementales de la physique de l'énergie. Pour produire des quantités
importantes d'électricité à partir de faibles flux énergétiques, il faut les
répartir sur d'énormes superficies. En d'autres termes, le problème des
énergies renouvelables n'est pas fondamentalement technique, il est naturel.
Traiter des sources d'énergie qui, par nature, ne sont
pas fiables et nécessitent de grandes surfaces au sol représente un coût
économique des plus élevés. On a beaucoup parlé de la réduction des coûts des
panneaux solaires et des éoliennes. Mais ces économies ponctuelles, permises
par leur fabrication dans de grandes usines chinoises, ont été dépassées par le
coût élevé de leur manque de fiabilité.
Prenez l'exemple de la Californie.
Entre 2011 et 2017, le coût des panneaux solaires a diminué d'environ
75 %, ce qui n'a pas empêché le prix de notre électricité d'augmenter cinq fois plus vite que
dans le reste des États-Unis. Le même phénomène s'est produit en Allemagne,
leader mondial des énergies solaire et éolienne. Le prix de son électricité a
augmenté de 50 % entre 2006 et 2017, alors qu'augmentait aussi
la part du renouvelable dans son mix énergétique.
…
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this article, as published in « Quillette » by clicking HERE
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